
Soutenance de thèse – Nadia Msyguidine
Titre
Craving et composantes cognitivo-émotionnelles de contrôle comportemental et d’autorégulation chez les personnes présentant un trouble de l’usage d’alcool
Jury
- Mme Catherine BLATIER, PR EMERITE UGA – Direction de thèse
- Mme Valérie MOULIN, MCF HDR UGA – Co-Direction de thèse
- Mme Anna TCHERKASSOF, PR UGA – Examinateur
- M. Yasser KHAZAAL, FULL PROFESSOR Université de Lausanne – Examinateur
- Mme Aurélie GAUCHET, PR USMB – Examinateur
- M. Denis LAFORTUNE, FULL PROFESSOR Université de Montréal – Rapporteur
- Mme Servane BARRAULT, MCF Université de Tours – Rapporteur
Résumé
Cadre théorique : Cette recherche porte sur l’étude du craving d’alcool, défini par un besoin impérieux de consommer de l’alcool. La littérature scientifique en souligne à la fois la valeur diagnostique et pronostique, ainsi que l’intérêt thérapeutique. Il constitue ainsi un angle d’étude particulièrement pertinent pour comprendre et traiter les troubles de l’usage d’alcool. Le craving s’inscrit à l’interface des dimensions impulsives et émotionnelles. Les recherches montrent qu’il résulte d’un déficit d’autocontrôle, recoupant la dimension impulsive qui représente tendance à agir rapidement sans tenir compte des conséquences de ses actions et la dysrégulation émotionnelle. La dysrégulation émotionnelle se traduit par une réactivité émotionnelle excessive (en termes de sensibilité, intensité, persistance) et par une altération des mécanismes de régulation, rendant difficile la modulation de l’intensité et de la nature des réponses émotionnelles. Objectifs : Cette étude doctorale vise à comprendre comment les dimensions émotionnelles et impulsives s’articulent avec le craving et contribuent à la sévérité du trouble de l’usage, afin de mieux orienter les interventions thérapeutiques. Méthodes : La recherche, conçue selon un design transversal, a été conduite, en France auprès de 310 participants âgés de 18 à 65 ans issus de la population générale de façon à pouvoir s’assurer de l’existence d’une consommation même rare. Les critères d’inclusion requéraient une consommation d’alcool d’au moins une fois par mois. L’échantillon étudié se compose de 157 femmes (M = 43,43 ans ; ET = 11,38) et de 153 hommes (M = 46,51 ans ; ET = 12,04), d’âge moyen 44,95 (ET = 11,79). Les participants ont complété un questionnaire en ligne qui évaluait l’intensité du trouble de l’usage d’alcool, le craving d’alcool à travers ses deux sous-dimensions, obsessionnelle et compulsive, l’impulsivité et ses quatre facettes (urgence, manque de persévérance, manque de préméditation et recherche de sensations), la dérégulation émotionnelle et la réactivité émotionnelle. La sévérité du trouble de l’usage d’alcool était évaluée par le biais du Questionnaire d’Intensité des Conduites Addictives (QMICA), l’intensité du craving d’alcool par la version française de l’Obsessive Compulsive Drinking Scale (OCDS). L’impulsivité a été mesurée par la version courte de l’Impulsive Behavior Scale (UPPS). La dérégulation émotionnelle a été investiguée par le questionnaire Difficulties in Emotion Regulation Scale (DERS) et la réactivité émotionnelle, à l’aide de l’échelle auto-rapportée Emotion Reactivity Scale (ERS). Résultats : L’étude 1 met en évidence que la dérégulation émotionnelle médiatise partiellement la relation entre l’impulsivité et le craving, ce dernier exerçant un effet plus marqué sur l’impulsivité que l’inverse. L’étude 2 montre que la dimension obsessionnelle est la sous-composante du craving qui entretien le lien le plus fort avec la réactivité émotionnelle. L’étude 3 permet d’avancer que l’influence du trouble de l’usage d’alcool et du craving sur la dérégulation émotionnelle est également plus forte que l’inverse, confirmant l’asymétrie observée dans la dynamique des processus addictifs. Enfin, les résultats globaux mettent en évidence une relation bidirectionnelle et circulaire entre le craving, le trouble de l’usage d’alcool, l’impulsivité et la dysrégulation émotionnelle. Implication thérapeutique : Cette boucle de rétroaction contribue à la chronicité et à l’aggravation du trouble, soulignant la nécessité de développer des interventions intégrées et novatrices, dépassant la logique classique centrée sur l’abstinence en visant simultanément la modulation du craving, la régulation émotionnelle et le contrôle des tendances impulsives.